Retraite de Carême, 1ère méditation

Retraite paroissiale Carême 2024 : Espérant au-delà de toute espérance

Première méditation : En chemin, avec les disciples d’Emmaüs

Pour commencer notre retraite, une petite introduction dont vous allez peut-être reconnaître la provenance et l’auteur : « Dans l’espérance nous avons été sauvés, dit saint Paul aux Romains et à nous aussi (Rm 8, 24). Selon la foi chrétienne, la « rédemption », le salut n’est pas un simple donné de fait. La rédemption nous est offerte en ce sens que nous a été donnée l’espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent: le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s’il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu’il peut justifier les efforts du chemin. Maintenant, une question s’impose immédiatement: mais de quel genre d’espérance s’agit-il pour pouvoir justifier l’affirmation selon laquelle, à partir d’elle, et simplement parce qu’elle existe, nous sommes rachetés? Et de quel genre de certitude est-il question? » Il s’agit de l’encyclique Spe Salvi de Benoît XVI. Ces premiers mots de l’encyclique se terminent par une question ; qu’est ce qui fonde notre espérance ? Une certitude : Jésus Christ est Seigneur. Il est venu en ce monde pour nous sauver, il a donné sa vie par amour pour nous et ce don total sauve le monde. Ce qui fonde notre espérance, c’est la foi en Jésus Christ. Et il nous a choisi, chacun d’entre nous, pour être porteurs de cette espérance, diffuseurs de cette espérance. Quelle grâce et quelle responsabilité !

Être renouvelé dans l’espérance, revenir à la source, cheminer avec le Christ, le laisser nous rejoindre, contempler son amour pour nous, l’entendre de nouveau nous dire « viens, suis-moi », accueillir avec reconnaissance cet appel chaque jour renouvelé, nous plonger de nouveau à la source de notre vocation de baptisé à travers les trésors que le Christ met à notre dispositions, revenir à la source de notre espérance ; c’est ce que je voudrais vous proposer pendant cette retraite paroissiale.

Nous pouvons parfois ressembler à une terre, comme celle dont nous parle Jésus dans la parabole du semeur, une terre parfois fatiguée, je n’oserai pas dire peut-être laissé un peu en friche, souvent porteuse de vie et de beaux fruits, cette terre veut être visitée par celui que nous avons rencontré dans notre vie et qui fait de chacun de nous, dans nos vocations respectives, un signe de sa présence en ce monde, porteur de sa puissance de vie,  témoin de sa miséricorde.

Chers frères et sœurs, pour commencer, je voudrais vous proposer de nous mettre en route en suivant deux disciples de Jésus sur un chemin, entre Jérusalem et Emmaüs mais surtout entre Emmaüs et Jérusalem. Vous le savez, le retour ne s’est pas passé comme l’aller. Il y a vraiment eu un retournement, une conversion au sens étymologique du terme. Allons- y !  … 

Les disciples d’Emmaüs : Luc 24, 13-35

  • 13 Le même jour, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem,
  • 14 et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.
  • 15 Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.
  • 16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
  • 17 Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.
  • 18 L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »
  • 19 Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple :
  • 20 comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.
  • 21 Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.
  • 22 À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau,
  • 23 elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant.
  • 24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
  • 25 Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !
  • 26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
  • 27 Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
  • 28 Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin.
  • 29 Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
  • 30 Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna.
  • 31 Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.
  • 32 Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »
  • 33 À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent :
  • 34 « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. »
  • 35 À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. »

Quels sentiments pouvons-nous ressentir en écoutant ce texte ? Mettons-nous un instant dans la peau de ces deux hommes et essayons de comprendre, de l’intérieur, ce qu’il vivent. Ils vont passer par différentes phases. Jésus va leur permettre de vivre ce passage, qui sera une véritable Pâques. Suivons-les :

– le découragement : devant l’apparent échec de la mission de Jésus, les deux hommes sont abattus, écrasés. Les 2 disciples s’en retournent chez eux ; la mission est finie. Ils ne suivent plus Jésus puisqu’il est mort. Tristesse, découragement, désespoir, et même, désespérance ont envahi leur coeur, leurs pensées, leurs idées. Il n’y a pas d’avenir possible.

Essayons de nous mettre à leur place : nous  croyons en Jésus, nous l’aimons ; et puis, la fatigue du chemin, le découragement devant les faibles fruits, face aux changements aussi, de société, de notre Église, face aux crises successives qui semblent se suivre dans notre Eglise, face aux changements fulgurants dans notre société moderne qui se coupent de plus en plus de Dieu et même de la raison, tout ceci peut-être pour nous cause de découragement, de tristesse, de doute sur l’avenir.

– un homme les rejoint : mais les yeux des disciples sont fermés, aveuglés par la tristesse, embrumés par le découragement. Ils ne le reconnaissent pas. Jésus nous rejoint à nous aussi et nous demande : « de quoi discutez-vous en marchant ? »

Jésus écoute d’abord ce que ces deux hommes ont dans le coeur. Le Seigneur commence par écouter.

            * Ce que je vous propose, peut-être pendant l’adoration qui suivra et aussi durant cette semaine, de dire au Seigneur de quoi vous discutez, de quoi vous causez, vos sujets de préoccupation, lui dire tout ce que vous avez sur le coeur : fatigue, découragement, ras le bol, lui dire vos doutes, vos tristesses… Jésus écoute, il prend sur lui. N’hésitez pas à écrire tout ceci.

Jésus aurait pu se manifester aux deux disciples de façon extraordinaire, imposer sa présence de Ressuscité. Il commence par les écouter et écouter leur mal-être. Pourtant les 2 hommes rapportent des signes : les femmes, qui disent avoir vu, des compagnons qui disent avoir vu. Mais comment est-ce possible ? Des signes, il y en a mais étouffés par la tristesse, ils deviennent des rêves, des chimères. Mais comment est-ce possible ? La mort peut-elle être vaincue ?

Après les avoir écouté, Jésus annonce la Parole qui va embraser leur coeur. Il a une façon très pédagogique d’expliquer ce qui le concerne dans les Ecritures. Au fur et à mesure qu’ils entendent cette parole, la petite flamme qui n’était pas tout à fait éteinte, va s’embraser et devenir un feu brûlant. Cette parole est incarnée ; elle vient du coeur de Dieu et elle va toucher le coeur de ces hommes. Elle est une présence qui chemine avec ces hommes.

Le Christ se révèle, il se dévoile petit à petit à travers les Ecritures ; et cela est primordial pour que le signe du pain permette enfin aux deux hommes d’ouvrir les yeux. Il faut que le coeur soit d’abord ouvert et reçoive la lumière du Ressuscité pour que les yeux enfin s’ouvrent et puissent voir le Christ présent. Jésus annonce la parole, les disciples l’écoutent.

 Puis vient le signe du pain : ils le reconnaissent à la fraction du pain, leurs yeux s’ouvrent parce que leur coeur a été préparé en avance par la Parole. N’oublions pas non plus que les deux disciples retiennent cet homme mystérieux qui a fait naître de nouveau en eux l’espérance. Leurs yeux s’ouvrent, ils renaissent à la vie, la tristesse a disparu, et ils repartent pour retrouver les frères. Ils courent pour être porteurs de cette bonne nouvelle : « le Christ est vivant, nous l’avons vu ». Ils ne croyaient pas vraiment ceux qui disaient avoir vu ; ils vont faire l’expérience de la présence du Ressuscité à travers sa Parole qui éclaire, à travers le signe qui manifeste. Ils font l’expérience de la résurrection et ils en deviennent témoins. Ils vivent la résurrection, en eux-mêmes. Et c’est avec les frères qu’ils se réjouissent, en faisant le récit de ce qu’ils ont vécu. Faire le récit des merveilles de Dieu est important dans notre vie de chaque jour. J’y reviendrai.

Cela nous dit plusieurs choses à chacun d’entre-nous :

* Écouter la parole de Dieu c’est accueillir la présence du Christ.

* Célébrer l’eucharistie c’est accueillir la présence du Christ et la manifester au monde.

* Et puis il y a la communauté des frères comme source de joie, de renouveau. (On peut relire les Actes 2, 42)

Durant cette retraite qui va durer tout le carême, je vous propose de laisser Jésus venir vous rejoindre, là où vous en êtes et le laisser vous rejoindre à travers sa Parole accueillie et méditée pour qu’elle remette le feu à votre coeur, afin qu’il devienne tout brûlant et que reparte le feu de la mission, du témoignage paisible qui ne s’exprime pas toujours par des paroles, mais par le regard, l’attitude, les pensées, une présence, le laisser vous rejoindre à travers l’eucharistie qui est source et sommet de la vie chrétienne et donc de notre vie, à travers les relations fraternelles, le vivre ensemble, la communauté, la famille, les amis, les collègues de travail, à travers ces trésors de grâce que l’Église met à notre disposition pour nous renouveler sans cesse, pour nous ressourcer, nous vivifier, au sens le plus beau du terme, nous rendre la vie.

Dans le passage des disciples d’Emmaüs, nous avons vu que leur coeur est tout brûlant tandis que Jésus leur partage les Ecritures. Nous verrons la semaine prochaine comment cette parole peut en nous porter du fruit et devenir source d’une espérance féconde.

  • Quelques pistes pour continuer :
  • Prendre le temps de dire au Seigneur mes doutes, nos sujets de préoccupation d’aujourd’hui : ce peut être nos difficultés à croire, à aimer, à espérer, la peur qui peut nous menacer, l’inquiétude pour l’avenir des enfants, pour un proche qui ne va pas bien. Chacun nous portons des poids. Jésus vient à notre rencontre. Laissons-le venir, et il nous demande : « de quoi discute-tu tout en marchant ? » Dites-le lui ! sans peur, en lui parlant comme un ami parle à son ami.
  • Deuxième exercice : je suis aussi capable de faire le récit des merveilles de Dieu dans ma vie : je vis de belles choses. Dieu est présent dans ma vie ; il manifeste sa présence de bien des façons. Les deux disciples font l’expérience de cette présence et ils en sont transformés. Ils deviennent témoins du Ressuscité. Chaque soir de cette semaine, je vous encourage à prendre ce temps de faire le récit des merveilles du Seigneur dans la journée. Si vous avez du mal à les repérer, priez l’Esprit Saint qui aide à discerner la présence de Dieu.
  • Pendant l’adoration qui va suivre, vous pourrez prendre le temps d’écrire vos sujets de préoccupation et de les déposer au pied du Seigneur.

« À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. » Le Christ est présent au milieu de nous. Nous le reconnaissons dans le pain qui est son Corps. Il vient à notre rencontre, nous venons à lui. Il prend sur lui nos souffrances et nos peurs, il nous donne sa joie, la force de l’espérance. Espérant au-delà de toute espérance, nous sommes rendus capables de vivre la résurrection, de voir la résurrection agir dans nos vies, dans la vie de nos contemporains, dans ce monde qui est le nôtre.

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