Retraite de Carême, 4ème médiation

Retraite paroissiale : « Espérant au-delà de toute espérance. »

L’envoie en mission : vocation de chaque baptisé

Un petit rappel de la semaine dernière : Philippiens 3, 20 : « Nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend capable de tout mettre sous son pouvoir. »

Ce corps glorieux du Christ, nous l’avons contemplé à la transfiguration.

Ce passage de la lettre de Paul aux Philippiens nous redit la nécessité de poser un regard surnaturel sur les personnes, les évènements, sur notre vie, être capables de voir au-delà des apparences dans le quotidien de notre vie. Être capables d’avoir cette vision là pour ne pas en rester à ce que l’on voit et être aveugles sur ce qui mériterait d’être vu.

Si c’est une attitude qu’il nous faut acquérir en tant que disciple de Jésus Christ, dans les vocations respectives qui sont les notre, nous avons la mission d’éveiller ce regard-là chez les autres ; comment aider les autres à poser un regard surnaturel sur les évènements, pour ne pas se laisser submerger par les émotions, ce qui peut amener au découragement ? Comment voir les signes de la présence agissante de Dieu dans leur propre vie et dans le monde ? Comment réveiller en eux la présence de Dieu ? Comment les aider à découvrir qu’ils sont la demeure de Dieu, que Dieu demeure en eux et eux en Dieu, qu’ils sont habités par le Ressuscité, mus par le souffle de l’Esprit Saint ? Bref, qu’ils sont, eux aussi, déjà citoyens du ciel ? Nous le croyons parce que Jésus nous l’a dit : le Royaume de Dieu est au milieu de nous. Si nous devons être capables de voir le royaume au milieu de nous, notre mission est d’aider les hommes à ouvrir les yeux pour voir ce royaume et pour cela, le Seigneur met des moyens à notre disposition. C’est même lui qui nous donne la feuille de route

Laissons maintenant le Christ nous rappeler l’essentiel de notre mission. 

Luc 9, 01 Jésus rassembla les Douze ; il leur donna pouvoir et autorité sur tous les démons, et de même pour faire des guérisons ; 02 il les envoya proclamer le règne de Dieu et guérir les malades.

03 Il leur dit : « Ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent ; n’ayez pas chacun une tunique de rechange. 04 Quand vous serez reçus dans une maison, restez-y ; c’est de là que vous repartirez. 05 Et si les gens ne vous accueillent pas, sortez de la ville et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un témoignage contre eux. » 06 Ils partirent et ils allaient de village en village, annonçant la Bonne Nouvelle et faisant partout des guérisons.

Luc 10, 01 Après cela, parmi les disciples le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre.

02 Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.

03 Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.

04 Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin.

05 Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.”

06 S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.

07 Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.

08 Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté.

09 Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.”


Peut-être certain se disent en eux-mêmes : « Mais enfin, Jésus s’adresse aux apôtres donc ces consignes sont pour leurs successeurs, pour les prêtres ! Qu’est-ce que moi, simple baptisé, je viens faire là-dedans ? » Oui, c’est vrai que Jésus envoie ses apôtres en mission mais aussi ses disciples ; il nous révèle ainsi que chacun, reçoit la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume, dans la vocation qui est la sienne. Ces deux récits sont très instructifs pour comprendre à quoi le Christ appelle.  

Revenons à ces deux passages, à ces deux envois, l’envoie des XII puis l’envoie des 72. Le récit de la Transfiguration est entouré par ces deux envois en mission. En quoi cela est-il important ? Parce qu’il y a un lien entre la mission de Jésus et celle de ses apôtres et entre la mission des apôtres et celle de chaque baptisé. On peut dire qu’au coeur de la mission, il y a la parole du Père qui se fait entendre sur le Mont Thabor : « Écoutez-le. » Au coeur de la mission, comme préalable, il y a d’abord l’écoute de Dieu. « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? »

Je voudrais insister sur l’écoute ; nous l’avons vu dans le récit des disciples d’Emmaüs, Jésus lui-même commence par écouter. Il n’arrive pas avec ses gros sabots, pour imposer ce qu’il est ; il rejoint ces hommes-là où ils en sont. Certes, à la Transfiguration c’est différent : il dévoile sa divinité ; mais ce n’est pas à n’importe quel moment : cet épisode suit la profession de foi de Pierre et la première annonce de la Passion. Comme pour traverser l’épreuve de la Passion Jésus se révèle dans sa divinité, annonçant déjà la résurrection.

Le Père nous demande d’écouter son Fils : « écoutez-le. » L’écouter parce qu’il est le Fils du Père. Nous nous souvenons de la prière que les juifs, encore aujourd’hui, prient 3 fois par jour : « Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Dt 6, 4)

Dans notre vie, où en sommes-nous de l’écoute de la Parole de Dieu ? Quelle place pour l’oraison, la lectio Divina ? La première chose à faire est d’écouter Dieu pour connaître sa volonté, ce qu’il attend de nous.

Le pape François, dans le document préparatoire au synode, comme dans ses différentes interventions, insiste beaucoup sur l’écoute, écoute de la Parole de Dieu, écoute de ce que l’Esprit Saint veut nous dire, écoute du frère à travers lequel Dieu parle. Plutôt que de donner d’abord son avis ou se prendre pour le sauveur, pour celui qui sait fasse à ceux qui ne savant pas ou vouloir construire des châteaux en Espagne, il nous faut commencer par écouter. Et lors de l’ouverture du Synode, il a ordonné le silence ! Vivre le silence intérieur, écarter le bruit, la cacophonie, pour être à l’écoute de l’Esprit Saint. « Dans un monde plein de bruit, nous ne sommes plus habitués au silence ; en fait, nous avons parfois du mal à l’accepter, car le silence nous oblige à nous confronter à Dieu et à nous-mêmes. Pourtant, il est à la base de la Parole et de la vie » « Le silence est essentiel dans la vie du croyant », a-t-il déclaré. « En effet, il se trouve au début et à la fin de l’existence terrestre du Christ. Le Verbe, la Parole du Père, s’est fait ‘silence’ dans la crèche et sur la croix, dans la nuit de la Nativité et dans la nuit de sa Passion« .

Chacune des rencontres des équipes synodales commençaient par un temps conséquent d’écoute de la Parole de Dieu et une prière à l’Esprit Saint. Ayant été dans l’équipe de dépouillement des synthèses, il n’était pas difficile de voir les équipes qui avaient pris le temps de se mettre à l’écoute de Dieu à travers sa Parole et celles qui ne l’avaient pas fait. D’un côté il y avait du souffle, de la vie, de l’autre, une liste de revendications qui manifestaient certes une certaine colère, mais qui semblaient être davantage le résultats de contrariétés qui s’exprimaient que d’inspirations de l’Esprit Saint. En gros, nous pouvions lire les signes de l’Esprit Saint à l’œuvre d’un côté et de l’autre des désirs très humains et personnels.

Écouter, d’abord. Revenons aux deux récits de l’envoie en mission avec en ligne de mire la parole du Père : « écoutez-le », parlant de son Fils.

Que dit Jésus dans ces textes ?

1°      Des consignes pratiques pour la route : « Il leur dit : « Ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent ; n’ayez pas chacun une tunique de rechange. 04 Quand vous serez reçus dans une maison, restez-y ; c’est de là que vous repartirez. 05 Et si les gens ne vous accueillent pas, sortez de la ville et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un témoignage contre eux. »

Le Seigneur donne ici des consignes pour la route ; des consignes qui pourraient nous paraître un peu extrêmes et d’un autre temps. Il nous faut bien sûr aller plus loin, comme nous y invite toujours le Seigneur. Qu’est-ce qu’il veut nous dire à travers cette radicalité ? Jésus veut que nous soyons libres, libres de toutes attaches matérielles, libres de toutes attaches tout court. Le carême nous permet de voir où sont nos attaches, ces liens qui nous empêchent d’être témoin du Christ. Si en tant que baptisés vous n’êtes pas appelés à la pauvreté, nous sommes tous appelés à la sobriété, à dire non à la consommation effrénée qui nous rend esclave des biens de ce monde. Souvenons-nous des tentations de Jésus au désert et de sa réponse à Satan : « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »

Le Seigneur nous veut libre parce que, pour proclamer le règne de Dieu, nous devons voyager léger et aller à l’essentiel.

Où en sommes-nous de ce côté-là ?

Détachement vis à vis des choses matérielles, détachement aussi concernant la réussite ou non de la mission : « 04 Quand vous serez reçus dans une maison, restez-y ; c’est de là que vous repartirez. 05 Et si les gens ne vous accueillent pas, sortez de la ville et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un témoignage contre eux. »

Jésus lui-même n’a pas convaincu tous les hommes de son temps ; n’imaginons pas que nous ferons mieux que lui ! Il n’est jamais facile d’échouer ; il y a cependant une différence entre échouer parce que nous n’avons pas fait ce qu’il fallait, parce que nous n’avons pas été suffisamment à l’écoute de la volonté de Dieu et échouer parce qu’en face de nous il y a des libertés qui s’exercent et qui peuvent aller jusqu’à refuser Dieu, pour de multiples raisons. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’indifférence de notre part, ni de refuser de se laisser affecter par ces refus ; mais le détachement demandé par le Christ consiste à ne jamais s’approprier la mission et si nous devons être affectés par l’échec cela doit être lié au fait que des hommes n’accueillent pas l’amour du Christ, qu’ils passent à côté du bonheur qu’ils désirent au fond de leur coeur. Finalement, c’est le refus de Dieu qui doit nous peiner, pas les échecs dans la mission.

2°      Jésus prévient justement que la mission ne sera pas facile : « je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. » Vous le savez, le loup dévore la brebis. Nous pourrions ici développer l’avertissement de Jésus à ceux qui le suivent : Jean 15,18 : « Si le monde a de la haine contre vous, sachez qu’il en a eu d’abord contre moi. 19 Si vous apparteniez au monde, le monde aimerait ce qui est à lui. Mais vous n’appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis en vous prenant dans le monde ; voilà pourquoi le monde a de la haine contre vous. 20 Rappelez-vous la parole que je vous ai dite : un serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi. Si l’on a gardé ma parole, on gardera aussi la vôtre. 21 Les gens vous traiteront ainsi à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas Celui qui m’a envoyé. »

Un peu plus loin Jean 16 33 : « Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. »

3°      Le don de Dieu aux apôtres envoyés : Luc 9, 1 : « il leur donna pouvoir et autorité sur tous les démons, et de même pour faire des guérisons » Luc 10, 9 : « Guérissez les malades. » L’autorité que Jésus donne à ceux qu’il appelle puis envoie, et je parle ici de la mission spécifique des apôtres, est le pouvoir sur le mal. Il ne s’agit pas ici d’une autorité humaine mais d’une force de l’Esprit de Dieu pour accomplir l’œuvre de Dieu qui est de lutter contre le mal et contre l’auteur du mal, le Démon. Cependant, chaque baptisé, quelle que soit sa vocation, est confronté au mystère du mal et doit lutter contre le mal, contre tout ce qui conduit au mal et contre Satan l’auteur du mal. Pourquoi Dieu a-t-il envoyé son Fils dans le monde ? Pour que le monde soit sauvé. Et sauvé de quoi ? De la mort, conséquence du péché. Et pour cela, il y a un véritable combat contre les puissances du mal. Notre mission, à travers l’exercice de notre ministère de prêtre pour nous ou pour vous en suivant votre vocation baptismale, est toujours orientée vers le salut des hommes. Par la célébration de l’eucharistie, par le sacrement du pardon, par l’onction des malades, par le baptême et la confirmation, par l’annonce de la Parole de Dieu, par toute notre vie donnée, les prêtres donnent à ceux qui leur sont confiés, les armes nécessaires pour lutter contre les puissances des ténèbres qui n’ont pas d’autre but que nous éloigner de celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Vous recevez donc ces armes ; n’hésitez pas à les utiliser !

Parfois, nous pouvons être anesthésiés de ce côté-là ; finalement, Dieu sauvera tout le monde, donc pas la peine de dire les choses. Ou bien, face à la déferlante de ce qui se passe dans le monde, nous pouvons être tentés par le relativisme ou simplement découragés, comme nos deux amis d’Emmaüs qui rentrent chez eux.

4°      Enfin le contenu du message : Lc 9, 02 il les envoya proclamer le règne de Dieu et guérir les malades. » Luc 10 : « Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.”06 S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.07 dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.”

La paix, l’annonce du Royaume. Voilà l’essentiel du message. Vous vous souvenez des premiers mots du Christ ressuscité au apôtres au matin de Pâques : « la paix soit avec vous. » Ce sont d’ailleurs les premiers mots de l’évêque lorsqu’il préside la messe. La paix ; voilà ce que nous devons annoncer. Et le Royaume de Dieu, qui est déjà là. C’est un appel à la conversion, à se tourner vers le Seigneur qui est là, qui agit dans le coeur des hommes. Il ne s’agit pas de déserter notre responsabilité d’homme et de femme, mais de vivre nos tâches présentes, les yeux tournés vers Jésus Christ, le coeur encré dans le ciel (l’ancre de l’espérance jeté dans le sanctuaire des cieux comme l’écrit l’auteur de la lettre aux Hébreux 6, 10 : « Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme ; elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire où Jésus est entré pour nous en précurseur » ), vivre en citoyens des cieux et, bien sûr, aider nos contemporains à vivre ainsi.

Nous venons de parcourir le chemin de la mission que Jésus confie à ses disciples, et qu’il nous confie à chacun ; dans ces passages, il y a deux points très importants : tout d’abord, c’est Jésus qui envoie, et il envoie au-devant de lui ; il s’agit pour l’apôtre, pour le disciple, de préparer la venue du Seigneur. Le deuxième point est dans la première recommandation de Luc 10 : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »

Prendre conscience que c’est Jésus qui envoie, est libérateur ; ce n’est pas nous qui nous envoyons, c’est lui. Et, pour cela,  il passe par notre évêque pour les ministres ordonnée ou pour les laïcs recevant une mission diocésaine, ou il passe par le curé s’il s’agit d’une mission paroissiale . La mission, nous la recevons ; elle ne nous appartient pas. Les prêtres, les diacres, nous recevons notre mission ; elle ne nous appartient pas, ce qui est pour nous source d’une grande liberté.

Avec toujours en ligne de mire la perspective qui anime la mission :  la venue du Christ. C’est cette venue dans la gloire qui est à la source de notre espérance, que nous contemplerons lundi prochain, à travers notamment les paraboles du Royaume chez Mathieu. Jésus annonce son retour ou sa venue dans la gloire et ce qu’il demande à ses disciples, c’est de veiller et de prier, une veille active et non passive, en accomplissant notre mission, chaque jour. Frères et sœurs, Pâques pointe à l’horizon.  Nous nous préparons à la venue du Christ, comme le bon serviteur qui fait fructifier ce qui lui a été confié, et qui veille ; au contraire du mauvais serviteur qui enfouie le talent confié ou qui, voyant son maître tarder se met à s’enivrer et à maltraiter les employés de la maison.

P. Stéphane

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